Pour voir plus loin que le bout de leur nez

Les marchés sont-ils à ce point impénétrables ? Leurs mystères commencent à sérieusement s’éclaircir lorsque leurs principaux acteurs sont identifiés et leurs comportements dévoilés. Les marchés dont il est fait si grand cas sont des abstractions qui participent de la confusion, il en est ainsi d’une quantité d’expressions qui l’entretiennent sous l’apparence trompeuse du bon sens.

Le mur de la dette y est en bonne place, image le rendant infranchissable. Les États européens s’y précipitent pourtant tête baissée en s’apprêtant à augmenter collectivement leur dette de 750 milliards d’euros. C’est cependant un don du ciel, mais pas seulement pour ce que l’on croit. Des montants gigantesques vont être investis dans ce qu’il est convenu d’appeler la relance de l’économie, effectuée avec plus ou moins de discernement au regard de l’avenir, cela ne s’arrête pas là.

De la bonne dette bien garantie par l’ensemble des États européens va être proposée aux investisseurs, au premier rang les banques et les compagnies d’assurance qui vont ainsi pouvoir se renforcer. Les effets à de la récession prennent toujours un peu de temps pour se manifester, les défauts de paiement des entreprises et des particuliers sont à retardement, mais ils finissent toujours par arriver.

Sans attendre, on enregistre l’appétence des assureurs européens pour les obligations souveraines italiennes et espagnoles, dont le rendement est supérieur aux titres des autres pays. Dans le cas des obligations émises par la Commission, la sécurité sera en premier lieu recherchée. Pour les banques et les assureurs, elles représentent également un don du ciel… La dette sera pour eux un mur mais de soutènement, et ce sont les contribuables, via les États, qui le financeront. Cela représente un transfert bien plus conséquent que celui qui résultera de la distribution des subventions et des prêts de la Commission, une fois l’enveloppe finale décidée et le poids du remboursement de l’emprunt de la Commission réparti entre les États.

Les transactions à ce propos s’annoncent tendues. La Commission propose d’augmenter ses fonds propres pour diminuer le poids de ce remboursement, afin de ne pas avoir à réduire ses dépenses en taillant dans les fonds de cohésion ou les crédits de la politique agricole commune (PAC). Entre ces maux, les chefs d’État et de gouvernement vont devoir trancher, quel métier !

En tout état de cause, les inégalités entre pays européens ne vont pas en sortir diminuées, car un autre compromis va être passé au sein de la coalition gouvernementale allemande. Sur proposition d’Olaf Scholz, le ministre des Finances membre du SPD, un plan d’investissement national de 80 à 100 milliards d’euros va être discuté. Aucun autre pays européen ne pourra prétendre en faire autant. Un moment hamiltonien (*), se sont-ils exclamés pour faire savant à propos de l’accord franco-allemand, sans voir plus loin que le bout de leur nez !


(*) en référence à Alexander Hamilton qui, au lendemain de la guerre d’indépendance, en 1790, décida de mettre en commun les dettes des États américains.

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